La navigation du Drot |
Sommaire de la page : l'édit de 1719 - une nécessité économique - historique des travaux - les bateaux - exploitation - épilogue
Le duc de la Force ( biographie) , à la tête du Conseil du Commerce sous la Régence, fut le premier à proposer de «rendre la rivière du Drot navigable». La décision fut prise par édit royal en juillet 1719.
Édit du Roy de 1719 |
« pour l'établissement de la Navigation de la Rivière du Drot »
« Nous, Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, [...], après Nous être fait informer de la possibilité & de l'utilité de la Navigation de cette Rivière & voulans y pourvoir", [...], Nous disons, statuons & ordonnons, voulons & Nous plaît ce qui ensuit.
« Article premier : La rivière du Drot sera rendue navigable depuis le Pont de Cause jusqu'à la Garonne; & en conséquence Nous accordons & concédons à nôtre très-cher Cousin le Duc de Laforce Pair de France & audit Sieur Marquis de Biron, leurs héritiers ou ayans cause à perpétuité, la faculté exclusive de faire faire à leurs frais & dépens tous les ouvrages & dépenses nécessaires à cet effet.
Article II : « En
considération de ces dépenses qui seront considérables, tant pour mettre à fin
ces ouvrages, que pour les entretenir, Nous leur avons accordé [...] la faculté
de percevoir sur toutes les Marchandises & Denrées qui seront voiturées sur la
Rivière du Drot [...] & sur tous les Bâteaux,
Bassecules
ou Trains de Bois qui y passeront les Droits portez par le Tarif attaché sous le
Contrescel des Presentes, avec le Plan de ladite Rivière.»
(l'orthographe de l'original de l'édit a été
reproduite fidèlement)
Suivent vingt et un articles fixant les droits et les devoirs des concessionnaires.
Le duc de Laforce (
biographie
) et le marquis de Biron (
biographie
) jouissent de droits extrêmement étendus : toutes les expropriations
nécessaires - au besoin démolitions de maisons ou de moulins - pour creuser les
canaux, construire les écluses, établir les chemins de halage, etc...;
détournement de rivières, ruisseaux, etc....
Les indemnisations des propriétaires
seront établies « de gré à gré ou à dire d'Experts & gens à ce connaissans
».
Ils ont obligation de « rendre les ouvrages faits et parfaits dans
six ans à compter du jour de l'enregistrement des présentes
», faute de quoi ils seront déchus du don qui leur a été fait par le Roy.
Un Tarif joint à cet édit, sorte d'inventaire à la Prévert, précise les
droits de transport, variables selon la distance parcourue [sept sections :
Castillonnès (pont de Cause) - bourg de Serre - ville d'Aymet - bourg d'Allemand
- moulin de Galeau - moulin de Mesterrieu - moulin de Labarthe - embouchure],
selon le sens descendant ou remontant, selon la nature du fret. On y trouve :
descendant : céréales, fèves, haricots, pois, millet,
châtaignes, eau-de-vie, vin, chanvre, lin, toiles de chanvre ou lin, fil,
volailles, gibier, bétail, poissons, œufs, truffes, fruits frais et secs, viande
salée et graisses, merrains à barriques, bois de chauffage et bois d'œuvre,
écorces pour les tanneurs, poteries, verreries, tuiles, chaux, pierres, charbon
de bois, cuirs verts et secs, cornes, fer en barre ou ouvré, barriques, laine,
oignons, ail, miel, papier, plume pour lits, etc...
remontant : sel, épicerie, beurre, fromages, liqueurs,
vins étrangers, couleurs, métaux, plantes pour la médecine, morues, harengs,
sardines, saumons, aloses, etc..., draperie, bonneterie, toiles fines, fruits
secs, sucre, huiles, laine, fil fin, soie, cuirs, peaux, coton, papier, plumes,
fers et aciers, ardoises, planches de sapin ou autre, plomb, poudre à tirer,
peignes de corne ou de buis, couteaux, rubans, souliers et mules, pots de fer,
cuivre ou laiton, habits d'hommes ou de femmes, agrumes, poix-résine, chandelles
de cire, fusils et pistolets, charbon de terre, poteries de faïence, savon,
cassonade, etc...
En pratique, la concession est annulée par le Roi au bout de deux années, à la suite du procès contre le duc de la Force pour "spéculation et accaparement de denrées" !... Le gouvernement décide alors de poursuivre lui-même l'entreprise qui, dans les faits, est ... abandonnée.
En 1764, de nouvelles études seront menées sous la direction de M. de Boutin, Intendant de la province, car la nécessité de la navigation du Dropt reste vitale pour toute la vallée; ces études n'auront pas de suite immédiate.
Une nécessité économique |
en italique, extraits des archives de la Compagnie de navigation du Drot (1850)
« Il n'y a pas de pays plus riche que cette vallée. Ce ne sont partout
que prairies, terres à chanvre ou à blé. Sur les plateaux, également bien
cultivés, les céréales et la vigne ont depuis bien longtemps remplacé les forêts
qui les occupaient primitivement.
« On y remarque des plantations
considérables d'arbres fruitiers et surtout des pruniers d'ente. Peu de bois,
peu de communaux, pas un hectare de landes ou de terres en friche; partout, au
contraire, de belles cultures avec la petite propriété, signe infaillible de la
fertilité du sol et de l'aisance des populations.»
Au XVIIIème siècle, la richesse est tout aussi grande. La
vallée toute entière se trouve néanmoins dans une situation défavorable : placée
à l'extrémité de trois départements (Gironde, Lot-et-Garonne, Dordogne), elle ne
semble être pour aucun d'eux d'une véritable importance. L'action de
l'Administration centrale s'y fait à peine sentir : les améliorations
matérielles (routes départementales, chemins vicinaux) sont toutes refusées ou
ajournées.
Les moyens de communication les plus
indispensables entre localités n'existent pas; les produits du sol, livrés à vil
prix, gagnent à grands frais les marchés voisins à dos d'ânes, de mulets ou au
moyen de lourdes charrettes à bœufs.
« Ainsi la beauté du climat, la salubrité du pays, la fertilité des terres,
une rivière, tout ce qui fait les populations riches et florissantes par
l'agriculture, l'industrie ou le commerce, avait été donné à cette vallée; mais
tous ces dons y étaient comme ensevelis, parce qu'il y manquait une voie pour le
transport des produits.
Le grand moyen de succès, de progrès, de fortune,
c'était le Dropt, parce que cette voie rendue navigable pouvait seule relier
la vallée à son marché naturel qui était Bordeaux.»
Une pensée économique poussait encore à la réalisation de ce projet : on croyait possible de faire communiquer la Dordogne avec la Garonne, de relier par une voie courte, sûre et peu coûteuse, le Périgord aux Landes, Bergerac à Bordeaux.
Historique des travaux |
An II de la République : la Convention décide la canalisation du Drot
Les cahiers du Tiers État (art.57) demandaient que "la rivière du Dropt soit
rendue navigable". Lakanal (
biographie
), député de l'Ariège à la Convention, chargé de mission en Dordogne d'octobre
93 à août 94, se met lui-même à la tête de cette considérable entreprise,
déclarant vouloir "faire de la vallée du Dropt ce que
la vallée de Tempé
fut enGrèce".
Il ordonne la construction des
écluses pour rendre le Dropt navigable jusqu'à Eymet et les études
indispensables pour conduire la navigation jusqu'à Castillonnez
d'abord, puis jusqu'à Villeréal s'il y avait lieu.
Lakanal sollicite - voire impose - la
participation financière des villes, rassemble la main d'œuvre (hommes et
femmes, nobles et roturiers, à trois ou quatre lieues à la ronde") et les
matériaux; pour satisfaire aux besoins en pierres, il ordonne de réduire les
tours du château de Duras "au niveau des combles du logis", la démolition
de l'église de Roquebrune, etc...(une des tours du château de
Duras sera gardée intacte pour les besoins du télégraphe Chappe et l'église de
Roquebrune sera démolie seulement en partie en 1794-95 et restaurée en 1808).
L'ouverture des chemins de halage, la
construction des barrages, tout est entrepris sur le champ avec une activité
toute révolutionnaire
Arrêté du 27 messidor An II :
- les propriétaires riverains sont tenus à faire couper les
arbres qui bordent la rivière dans les trois jours.
- l'ensemble des ouvrages seront mis sur le champ en
activité de façon à marcher ensemble et à être terminés dans deux mois pour
tout délai.
Le 26 octobre1795, la Convention est
dissoute; Lakanal décide (de lui-même) de regagner Paris alors qu'une douzaine
de barrages sont sur le point d'être achevés. Les travaux se poursuivront sous
la conduite du député Pellissier, mais avec lenteur et finalement sans
achèvement. Des essais de navigation partiels et informes sont effectués entre
1793 et 1820.
On lit dans l'Annuaire du
Lot-et-Garonne (1806) : "le Dropt a acquis une certaine célébrité dans ce
département par les projets gigantesques qu'on a formés, en l'an II, pour le
rendre navigable depuis son embouchure jusqu'à Castillonnez. Vingt écluses
devaient être construites; deux seulement l'ont été.
1807 : projet de transbordement des marchandises
Le gouvernement approuve en 1807 le projet d'une société d'actionnaires qui, "par le moyen des béliers (?) ou grues se proposaient de charger, de décharger les bateaux et de changer aussi d'embarcation à chacune des chaussées". Ce procédé, qui obligeait à faire entre Eymet et Gironde plus de vingt transbordements, fut rapidement abandonné.
18 avril 1821 : machine de MM. Durassié et Troquard
Une ordonnance du Roi autorise MM.Durassié et Troquard à établir à tous les
barrages de moulins existant sur le Dropt une machine de leur invention. Cette
invention s'inspire du travail de Monge (pour la Convention) sur les fonderies
de canons, plus précisément des plans d'un "chariot-treuil pour le service
des foreries de canons".
La machine de Durassié et Troquart
consiste en une sorte de pont roulant, comportant
:
- deux pièces de bois longitudinales,
horizontales et parallèles, supportées par des pilotis enfoncés dans le lit de
la rivière, respectivement en-dessous et en-dessus du déversoir (des vestiges de
ces pilotis sont visibles au barrage de Cocussote)
- un chariot muni d'un
système de treuils (le chariot-treuil de Monge) et roulant dans les rainures
pratiquées dans ces poutres.
Ce système de treuils permet, à
l'aide de chaînes, d'élever un bateau en amont (respectivement en aval)
au-dessus du niveau de la chaussée, de le translater et de le reposer sur la
rivière en aval (respectivement en amont).
Deux hommes suffisaient pour
cette manœuvre qui durait une dizaine de minutes.
Un voyageur anglais dans la Chine du XVIIIème siècle découvre avec
stupéfaction que « à bras d'hommes, on arrive à faire sauter un navire d'un
bief d'eau à un autre, en se passant d'écluse » (rapporté par Fernand
Braudel - Grammaire des civilisations).
L'histoire ne dit pas si les bateaux
étaient transférés purement « à bras » ou à l'aide d'une machine « actionnée à
bras », cette dernière supposition étant toutefois probable car un dispositif semblable à celui
de Durassié et Troquard - mais actionné par un moteur ! - est utilisé
aujourd'hui encore en République Populaire de Chine.
Pour obtenir un agrandissement, cliquer sur la miniature de votre choix ci-dessous | |
Source : archives départementales - Bordeaux | Source : archives départementales - Agen |
Agrandir l'image |
MM.Durassié et Troquard et la Compagnie Anonyme (ci-contre action au porteur
de 1827) qui leur succéda établirent
effectivement la navigation jusqu'à Eymet. Au début de cette navigation, à la
meilleure période de l'année, partaient chaque jour d'Eymet deux bateaux !
Puis les difficultés rencontrées dans
l'exploitation de ce système furent trop nombreuses : frais considérables (deux
hommes nécessaires à chaque barrage pour des bateaux de faible tonnage par
nécessité); procès incessants avec les propriétaires riverains pour obtenir le
chemin de halage (les bateaux devaient être remontés à la gaffe : le trajet
embouchure - Eymet demandait ainsi 4 jours !) ; différents biefs donnés
à ferme
indépendamment les uns des autres, d'où absence de coordination dans les
opérations; etc ...
En juillet 1833, l'entreprise ne
donnant presque aucun résultat, une A.G de la Compagnie décide la vente du
matériel.
1833 : Une nouvelle
compagnie, formée sous les auspices de la Chambre de commerce de Bordeaux, est
créée, qui acquiert les droits de l'ancienne et solde les créanciers. Elle
entreprend d'établir la navigation au moyen d'écluses à sas, entre Eymet et la
Barthe, et de continuer la navigation au-delà d'Eymet s'il y a convenance à le
faire.
Le moulin du Drot (croquis d'époque) Remarquer :
|
Le chemin de halage est restitué à l'Administration en 1832 et le
problème est réglé par voie de décrets fin 1835. Une remise en ordre est décidée
: substitution au système à ferme d'équipages
soldés
; installation d'un Inspecteur de la Navigation à Duras, d'un Directeur à
Labarthe point de transbordement Dropt/Garonne, d'agents à Monségur, Duras,
Allemans et Eymet. Immédiatement, les recettes doublent malgré une baisse des
tarifs de 25%.
Les problèmes restent nombreux :
- les travaux de l'écluse
d'embouchure ne sont pas encore entrepris; pendant l'été, l'eau manque sur la
partie la Barthe-embouchure et les bateaux ne peuvent pas arriver en Garonne
pendant 4 mois de l'année ...
- il faut exhausser les deux derniers
barrages (Bagas et la Barthe) de 0.70m.
1858 : ces travaux sont entièrement achevés et le Dropt est réellement
et partout navigable de l'embouchure à Eymet (soit environ 70 km), même par
les temps de plus grande sécheresse (été 1861).
Le Nouveau Dictionnaire de Géographie
Universelle (commencé en 1875, édité en 1894) est très critique quant au
résultat de l'opération pour le Dropt lui-même: "Ce sont les écluses qui
donnent au Dropt de la profondeur et une apparence de rivière (sic);
car en réalité ce n'est, malgré la longueur de son cours, qu'un ruisseau sans
limpidité, mal alimenté par les sources de son bassin (la
violence de la charge est étonnante...). Sa vallée est à la fois
riante et fertile (la rivière seule est attaquée !)".
Les bateaux |
Les couraux (ou coureaux) :
Le "courau" désignait dans la région un chaland allongé à "solle" (XVIIIème siècle : fond plat d'un bateau). Caractéristiques des couraux du Drot : longueur de 8 m à 20 m, tirant d'eau de 0,20m à 0,50 m, jusqu'à 50 tonnes à pleine charge; pour les plus grands : 4 m de large au fond, 5 m de large aux bords, bords à 1 m au dessus du fond.
Les gabarres (ou gabares):
La gabarre était une grande barque, à quille, plus arrondie et plus ventrue que le courau. Caractéristiques des gabarres du Drot : longueur de 15 m à 20 m, tirant d'eau de 0,70 à 0,80 m (du fait de la quille), jusqu'à 25 tonnes à pleine charge; pour les plus grandes : 3.50 m de large au fond, 5,50 m de large aux bords, bords à 1,75 m au-dessus du fond.
Seul mode de traction : le halage, par hommes (!) ou par chevaux. Vitesse moyenne : 2,5 km/h...; le passage des écluses était la cause principale de cette valeur très faible.
Dans les années 1880 - 1890, bien après l'âge d'or de la navigation du Drot, on ne comptait plus que 5 à 10 gabarres et 10 à 20 couraux en service.
Ci-dessous, images extraites d'une carte du Drot (1730) : halage humain d'un bateau et détails de la structure du bateau (cliquer sur une miniature pour obtenir l'image en vraie grandeur)
Unités : : 1 tonneau = 1.44 m3
probablement (décret Colbert de 1681); 1 pied-du-roi = 0,32483
m; 1 pouce = 1/12 de pied
bateau
de 30 tonneaux (env. 45 m3)
dimensions hors tout :
longueur = 58 pieds (env. 19 m), largeur = 12 pieds (env. 4 m), hauteur =
7 pieds (env. 2.3 m)
dimensions de la
partie à fond plat :
longueur = 29 pieds (env. 9,5 m), largeur = 6 pieds 1/2 (env. 2 m),
hauteur = 4 pieds 8 pouces (env. 1.5 m)
Exploitation du canal |
La Compagnie de navigation du Dropt, concessionnaire de l'exploitation, est
autorisée par le cahier des charges à percevoir un droit de navigation qui la
met pratiquement à l'abri de la concurrence.
La rivière comporte 38 barrages et à
chaque barrage se sont installées 2 à 3 "usines de minoterie"; d'où la nécessité
d'importer du blé (par la Dordogne, la Garonne, la Baïse, le Tarn).
Très rapidement la flotte se compose
de 9 gros bateaux (le Dropt peut porter des bateaux de 60 à 80
tonneaux
) entraînant en 1860 un mouvement de 273 221 tonnes
( Grand Dictionnaire Universel du XIXème
siècle, édition de 1870).
Les marchandises transportées
(1/5 à l'importation, 4/5 à l'exportation) : céréales, chanvre, vins (rouges et
blancs), eaux-de-vie, huiles, pruneaux secs (10 000 tonnes vendues sur les
marchés en 1860; 43 000 tonnes produites en 2002 dans le Sud-Ouest), bois
(constructions navales, charronnage, chauffage), moellons, tuiles, briques,
etc...
La Compagnie de navigation du Dropt
envisage alors l'achat de 1 ou 2 remorqueur(s) à vapeur pour tirer des
convois de 4 à 6 bateaux de l'embouchure du Dropt à Bordeaux, où un
débarcadère-magasin est déjà réservé sur le port, en amont du pont. Il faut sans
doute voir dans cette politique de développement une stratégie de la
Compagnie : en cas d'expropriation par l'Etat ou de construction d'une voie
ferrée, les indemnités, basées sur les résultats de l'entreprise, seront bien
plus importantes ...
Car les menaces se précisent : une
route latérale au Dropt et reliant entre elles les villes de la vallée vient
d'être achevée; une liaison par voie ferrée Marmande-Bergerac qui suivra la
vallée du Dropt de la Sauvetat à Falgueyrat et enfin la liaison Eymet-Bordeaux
sont en projet.
En 1858, une assemblée générale des
actionnaires prononce la dissolution de la Compagnie, épuisée par ses
longs sacrifices financiers.
Les repreneurs successifs de l'affaire
(Sieurs DEGANNE, GUERRE, BOUTIN, COYCAUT, enfin BOUSSANG), pensent plus à
percevoir le péage qu'à entretenir le cours d'eau et les ouvrages d'art; ils
seront régulièrement déchus de leurs droits de concessionnaires.
Certains concessionnaires n'en
continuent pas moins à faire des projets mirifiques :
En 1869, la société concessionnaire
COYCAUT et Cie est autorisée par arrêté préfectoral en date du 16 juillet
à "établir sur le Drot, entre l'embouchure et Eymet, des bateaux à vapeur
à hélice (vitesse limitée à 15 km/h) pour le transport des voyageurs et le
remorquage des marchandises". Ce projet ne fut jamais réalisé...
En 1892, à la suite de la déchéance
définitive du Sieur BOUSSANG, deux adjudications restant sans suite, la
Compagnie perd tous ses droits : les terrains achetés, les travaux exécutés et
les matériaux approvisionnés deviennent propriété de l'Etat.
Épilogue |
Les transports routiers et ferroviaires seront fatals à la circulation des
marchandises sur le Dropt. Une entreprise irréfléchie, un chantier
disproportionné aux besoins, auront conduit à un échec économique.
Dès 1884, "la Géographie du Lot-et
Garonne" ne classe plus le Dropt parmi les voies navigables du département
(seule la partie Casseuil - Duras sera plus ou moins bien entretenue) !
En 1890, le mouvement des transports
n'est plus que de 19 574 tonnes, soit 570 bateaux d'une charge moyenne de 34
tonnes : 2/3 pour les matériaux de construction (essentiellement tuiles,
briques, carreaux de la basse vallée en direction de Bordeaux) et les minéraux,
1/3 pour les denrées alimentaires et les produits agricoles.
A partir de 1900, les congrès d'études sur
les rivières navigables du bassin de la Garonne ne notent aucun projet relatif
au Dropt. Les bateliers, les usiniers se plaignent continuellement du mauvais
état de la rivière et des écluses; la remise en état du barrage et de l'écluse
de Casseuil ((1886 - 1901) sera le dernier chantier important.
L'activité fluviale (en particulier,
tuileries de la région de Gironde-sur-Dropt) se poursuivra quelques années
encore entre Bagas et Casseuil, puis s'arrêtera...
Dernier soubresaut : en 1920, le
Conseil Général de la Dordogne (soutenu par celui du Lot-et-Garonne) émet le vœu
"que étant donné les difficultés actuelles du transport par voie ferrée,
[...], il y aurait avantage à faire revivre la navigabilité de la rivière du
Drot". Vœu qui - avec raison - ne sera pas exaucé ...
Le Dropt est redevenu aujourd'hui une
rivière paisible où circulent seulement quelques barques de pêcheurs et des
canoës kayaks. La Garonne, le Lot, la Dordogne, l'Isle, la Baïse, comportent
encore des portions classées "navigables"; le Dropt n'est plus du tout
"navigable" !
Le Dropt sera-t-il un jour à
nouveau navigable, au prix de la remise en état des écluses et du nettoyage de
la rivière impliquant des investissements considérables ? Les amateurs de
navigation fluviale sont certes de plus en plus nombreux mais les équipements
existants sont aussi de plus en plus importants; le Lot-et-Garonne possède à lui
seul 198 km de voies navigables : Garonne, Lot, Baïse, canal latéral à la
Garonne. La Baïse, comparable au Dropt, est navigable de Moncrabeau à
Saint-Léger, sur 45 km, avec franchissement de 16 écluses. Il est
peut-être une nouvelle fois trop tard pour le Dropt...
ANNEXE : carte des rivières navigables
La carte ci-contre (fin XIXème siècle) donne les parties de rivière navigables dans la région Sud-Ouest. Le réseau très dense montre bien l'importance économique du transport fluvial à cette époque (le tourisme fluvial n'était pas connu...). |
biographies : duc de La Force - marquis de Biron - Joseph Lakanal